Si on nous avait dit qu'un jour en Inde nous serions au croisement des rues Saint-Gilles et Saint-Louis… Mais nous voilà donc à Pondichéry, ancien siège de la compagnie française des Indes orientales, créée par Colbert au XVIIe siècle. 300 ans plus tard, en 1954, au terme d'une douce décolonisation le petit territoire redeviendra indien, mais conservera jusqu'à aujourd'hui encore une certaine saveur tricolore.

D'abord on y mange des baguettes et des croissants, ensuite on retrouve du français dans le texte sur de nombreux bâtiments et surtout, on y joue à la pétanque ! À tout cela s'ajoutent un lycée et un consulat français, une église Notre-Dame des anges, et de grandes demeures coloniales. Et puis enfin, entre tous les touristes curieux dont nous faisons partie et des indiens ou enfants d'indiens de souche (dont beaucoup ont participé aux guerres d'Indochine et d'Algérie) qui reviennent quelques semaines au pays, c'est un peu la fête de la francophonie ! 

Mais outre la ville blanche (l'ancien quartier des colons qui borde la mer et offre une vraie douceur de vivre, des rues calmes et ordonnées) Pondy sait aussi être indienne. Un peu plus dans les terres, un gigantesque marché, de grandes rues animées et de bien beaux temples. D'ailleurs ça tombe bien, peu après notre arrivée débutera "Masi Magam".

Pour l'occasion les divinités de plus de 70 temples des environs sont transportés en procession, sur leur char, jusqu'en bord de mer pour un bain rituel. Des musiciens et des centaines de dévots les accompagnent. Le soir venu, sous des pluies d'offrandes en tous genres, les statuettes feront le chemin en sens inverse. Un spectacle passionnant, très prenant, que nous observerons accompagnés de Jérémy, un éduc' angevin rencontré la veille et sur le point de boucler un périple d'un mois dans le sud de l'Inde. Autant dire qu'on avait beaucoup de choses à se raconter. 

Et puis à Pondy l'intérêt n'était pas que dans l'assiette (Camembert, sandwich-baguette et même steak de bœuf, oui oui !) mais aussi dans ses environs. Ainsi, le temps d'une journée nous avons mis de côté nos petites envies de "gastronomes" frustrés pour nous diriger 70 km vers le sud et, d'abord, la forêt de mangrove de Pichavaram. Puis après une heure de barque dans un cadre splendide, direction Chidambaram, et son temple dédié à Nataraja, l'incarnation de Shiva en danseur cosmique... Mais oui, vous savez, Shiva, l'un des dieux de la Trinité hindoue, la "Trimurti", avec Brahma et Vishnou. Oui, Shiva dont la monture est le taureau Nandi, dont la femme est la déesse Parvati, et dont l'un des fils est Ganesh, au corps d'homme et à la tête d'éléphant et qui a l'habitude de chevaucher un rat... Pfiouuuu c'est passionnant mais si compliqué !

Enfin toujours est-il qu'à Chidambaram le temple étant dédié à une incarnation de Shiva, nous y verrons bon nombre de Shivaïtes. Leur principale particularité : ce sont des prêtres appartenant à une certaine classe de brahmanes qui portent un chignon sur le haut du crâne et le reste des cheveux rasés pour incarner à la fois Shiva, leur Dieu favori, et sa femme, Parvati. Quelle dévotion !

Allez, retour à Pondy pour, dès demain matin, un nouveau départ.


Nous quitterons ainsi la ville sans nous être fait une idée de l'ashram de Sri Auribindo, un poète et philosophe célèbre jusqu'en Occident qui s'est beaucoup consacré au yoga et au "travail intérieur" (rien à voir avec la pose de moquette ou la peinture). Le "yoga intégral" serait ainsi la voie pour "atteindre une conscience supramentale qui divinisera la nature humaine" (ah oui, vraiment rien à voir...). Mais depuis la mort du Guru, en 1950, puis de sa femme, une française appelée "La Mère", l'ashram est taxé de "déviationnisme", accusé d'être surtout réservé aux fidèles fortunés... Nous n'aurons donc pas d'avis sur la question, mais resterons tout de même surpris par le très grand nombre de bâtiments, ici et là en ville, peints en gris et blanc et appartenant à l'organisation, qui serait ainsi devenue autant financière que spirituelle...

Et puis l'autre célèbre curiosité de Pondicherry dont on ne s'est pas fait d'idée, c'est Auroville. La "cité de l'Aurore", idéaliste, (utopiste ?), fondée par "la Mère" précédemment citée, serait un territoire universel de paix et d'harmonie accueillant des "réfugiés spirituels" du monde entier qui deviendraient alors des "serviteurs de la conscience divine".

Dans cette petite communauté de 2400 habitants pour 50 nationalités, qui y travaillent selon leurs compétences, tout est mis en œuvre pour favoriser la recherche spirituelle et pratique afin, à terme, de réaliser l'unité humaine. Vaste programme, qui ne manque pas d'intérêt mais qui, pour différentes raisons, est parfois décrié : mercantilisme, néocolonialisme... bien que la cité soit assujétie aux lois indiennes et supervisée par une sorte de commission d'éthique, neutre. Bref, on ne s'y est pas vraiment aventuré alors on ne pourra en dire davantage que ce qu'on a pu lire et entendre ici !