Une dernière semaine bien chargée pour finir en beauté ! 

Entre quelques visites de monastères boudhistes et autres stupas, je me suis notamment rendu du côté de Dhulikhel, pour une belle rando d’une vingtaine de kilomètres. Objectif : rejoindre le Namo Bouddha, joli petit sanctuaire, puis Panauti, minuscule village qui fut autrefois un royaume ! Bon la mauvaise surprise de la journée c’est qu’il me faudra encore attendre pour apercevoir la chaîne de l’Everest.

Mais la bonne surprise, qui est en réalité tout sauf une surprise, c’est que les népalais sont définitivement incroyables d’hospitalité ! C’est en tout cas ce que je retiendrai de ces journées passées entre deux collines, d’un village à un autre, reçu par de chaleureux sourires ponctués de doux «Namaste». Car les népalais sont ainsi, quelque soit leur sort, du guide Sherpa au réfugié tibétain, ils ont toujours cette sagesse, cette sérénité et cette sincère curiosité vis à vis de «l’étranger». L’adage dit d’ailleurs que l’on va au Népal pour ses montagnes et que l’on y retourne pour ses habitants. Ce qui est certain c’est que je n’oublierai pas ces rires d’écoliers blagueurs et costumés, ni toute la bienveillance qui se dégage de regards d’anciens ayant pourtant tout vécu, des crises humanitaires au séisme dévastateur en passant par une décennie de rébellion maoïste.


Mais pas une once de colère, de résignation sur ces visages. Je vois des forces tranquilles, et je garderai l’image d’un peuple d’une grande solidarité, profondément uni. 


Pour ce qui fut des jours suivants il y eut d’abord une virée en bus vers l’est et Nagarkot, sur la colline, assis aux côtés d’un homme au moins aussi perché que notre destination, fringué comme un moniteur de ski et ponctuant chacune de ses phrases d’un «yeahhh man» ou encore d’un «niiiice man»... Je me suis bien marré.

Enfin jusqu’à ce que je constate que notre chauffeur accorde assez peu d’importance au fait que les chemins de VTT soient davantage destinés au VTT qu’aux bus... Nous voilà embourbés, sur une chaussée étroite et défoncée. Une dizaine de paires de bras plus tard, ça repart ! Bon finalement deux heures de trajet pour pas grand chose, si ce n’est un beau panorama sur la vallée, mais toujours pas sur les monts enneigés. 


Ce n’est peut être que partie remise, je retente ma chance dès le lendemain. Je file d’abord à Dakshin Kali, 20km au sud de Katmandou. Comme son nom l’indique la ville abrite un temple dédié à la sanguinaire Kali, déesse du pouvoir, du temps, et surtout de la destruction.

Ainsi, tous les samedis, pour calmer la soif de l’effrayante déesse, et parce que ce jour est considéré comme néfaste au Népal, des centaines de pèlerins se ruent vers la colline chargés de fleurs, de fruits, et d’encens. Mais parce que d’autres préfèrent sacrifier des animaux, le long périple en bus se fera au son de chants de coqs... Il est d’ailleurs possible d’en acheter sur place, des dizaines de beaux spécimens n’attendent qu’un acquéreur pour aller se faire égorger. Les prêtres brahmanes, les pieds dans le sang, se chargent alors du sale travail, à la chaîne. Puis place au rituel devant la statuette de Kali, et enfin au barbecue, en famille et autour du temple, afin que l’animal sacrifié ne soit à coup sûr pas mort pour rien ! Je me dirige ensuite vers le village de Pharping, à deux kilomètres de là, qui offre paraît-il une magnifique vue permettant de découvrir toute la chaîne himalayenne... Pas de nuage à l’horizon mais une vallée bien trop brumeuse et polluée pour espérer apercevoir le moindre mont enneigé en ce milieu de matinée ! Allez tant pis, la petite ville abrite de biens beaux monastères boudhistes, alors j’aurais de quoi me régaler. 


Et puis enfin, ma dernière destination népalaise fut l’ancienne cité royale de Patan, au sud de Katmandou. Sur place je trouverai de quoi confirmer que son surnom de «ville aux mille toits dorés» n’est pas usurpé, mais aussi de quoi constater toute l’ampleur des dégâts du séisme de 2015. Des temples emblématiques furent entièrement détruits, et beaucoup d’autres ne tiennent aujourd’hui que grâce à des jambes de bois...


Enfin voilà, avec tout ça nous sommes déjà le lundi 28 mai, veille de départ. Et en bouclant une dernière fois mon fidèle sac à dos je réalise que c’est tout un voyage que je m’apprête à boucler. Retour imminent vers le présent, d’abord car au Népal en raison d’un calendrier lunaire et non pas solaire, nous sommes en 2075, et puis parce que quelque part cette aventure fut un sacré bond dans l’espace et dans le temps ! Des milliers de kilomètres parcourus, du désert du Rajasthan jusqu’aux montagnes népalaises, en passant par la capitale Sri Lankaise. Et sept mois d’une folle intensité, en témoignent des souvenirs par milliers. Peut être autant de paysages que de visages. Le temps est donc à la nostalgie, et certainement pas aux regrets. Tout au long de ce périple nous nous sommes offert l’opportunité de faire absolument ce que nous souhaitions. Quel bonheur. 

Et quelle richesse surtout, dans cette rencontre de l’autre et de l’ailleurs. 

Oui mais voilà, si des pays comme le Népal, ou à plus forte raison comme l’Inde sont aujourd’hui aussi riches d’une culture séculaire et presque intacte, le seront-ils encore demain ? Autrement dit, si dans cent ans Paris sera encore Paris, l’Inde quant à elle sera t’elle encore elle-même, résistera t’elle encore longtemps au séisme de la mondialisation ? Rien n’est moins sûr, et ce voyage prend encore un peu plus de sens. 


Du sens, ce sont également les rencontres qui en ont apporté et la dernière en date fut peut être la meilleure. Que pouvais-je bien partager avec un web-designer iranien de 37 ans ?

Sur le papier pas grand chose. Mais il s’avère que Mohammed est d’une formidable lucidité à propos de son pays, dont on entend malheureusement parler qu’à travers la question du nucléaire. Grâce à son oeil avisé ses critiques semblent particulièrement justes et il est passionnant d’échanger avec lui à propos de l’Iran, du «concept» de république islamique, de dictature spirituelle, mais également de tout l’héritage perse et les meilleurs aspects d’un pays renfermant de bien nombreuses merveilles. De mon côté je pouvais, en essayant d’être aussi juste et critique, lui résumer la société dans laquelle je vivais. Le tout au son de ses innombrables «wonderful» qui trahissent sa passion pour les voyages mais en disent long sur la déception qu’il peut éprouver, grand baroudeur qu’il est, à l’idée qu’en raison de sa nationalité les VISA pour l’Europe lui sont systématiquement refusés. Et dire que son plus grand rêve est de travailler dans la Silicon Valley ! Or avant qu’un iranien ne puisse fouler le sol américain... Enfin voilà, c’est aussi l’une des leçons de ce voyage, celle de la valeur variable des passeports... Toujours est-il que mon compagnon de dortoir s’apprête à prendre la direction du «Makalu base camp», 5100m et sur la chaîne de l’Everest, sans guide ni porteur. C’est pas le plus haut qu’il ait fait, mais une sacrée aventure s’annonce quand même ! La mienne se termine et mon sac, comme mon récit, est désormais bouclé. Je ne peux m’empêcher de penser à Clément, avec qui tout a commencé, à Sam, avec qui tout a continué, et à vous tous que j’ai franchement hâte de retrouver ! Merci d’avoir fait vivre ce blog par vos messages et commentaires. Pour ma part je reviens, Candide que je suis, cultiver mon jardin !