Dimanche 7 janvier, fin d'une semaine pleine et trépidante ! D'abord deux belles journées à Jodhpur, où nous grimperons jusqu'au fort Mehrangarh, qui domine la ville bleue depuis le 15ème siècle. Et pourquoi du bleu, d'ailleurs ? Paraît-il que ça éloigne les moustiques... Et si initialement seuls les brahmanes, membres de la plus haute caste hindoue, peignaient leur maison de la sorte, cette tradition est désormais un peu plus universelle. Et quel délice d'arpenter ce labyrinthe de ruelles étroites et indigo, de se frayer péniblement mais joyeusement un chemin parmi les scooters, les écoliers fraîchement débauchés, les vendeurs de lait, les vaches, les chiens errants, les rats... Du bleu, encore du bleu, toujours du bleu, toutes les maisons, toutes les ruelles se ressemblent et nos seuls points de repères ne sont alors que les magnifiques fresques colorées qui ornent de très nombreuses façades.

Allez, jeudi 4 janvier, cap sur Udaipur. Un peu plus de quatre heures de bus et nous voilà d'abord à Ranakpur, où nous ferons halte afin de visiter l'un des plus beaux temples jaïn du pays. Et ce n'est pas rien, parce que les temples jaïn sont toujours splendides, de marbre blanc et aux sculptures encore un peu plus élaborées, détaillées, que les temples hindous. Deux heures de visite, et un vrai régal pour les yeux. À noter, le jaïnisme est une religion pratiquée par près de 5 millions de personnes en Inde, et qui est née bien avant notre ère, en réaction au système de castes propre à l'hindouisme. Les jaïns sont non violents (la mère du Mahatma Gandhi était jaïn) et surtout considèrent que la vie animale est aussi importante que la vie humaine. Voici leurs cinq règles majeures : ne tuer aucun être vivant, ne pas voler, se détacher des biens matériels, être chaste, et ne pas manger de nuit (pour ne pas croquer d'insecte par mégarde). Les moines jaïns, plus radicaux, portent une étoffe devant la bouche pour ne pas avaler de moucherons, ou encore balayent devant eux pour ne pas écraser de fourmis...En raison de leurs convictions les jaïns ne peuvent donc pas être militaires, agriculteurs, éleveurs, mais s'en sortent quand même très bien ! Tout comme les sikhs (autre religion née en Inde) connus pour leur droiture, les jaïns, qui ne peuvent tromper leur prochain, sont donc appréciés par les hindous et les musulmans qui leur accordent toute leur confiance dans les affaires, le commerce, la joaillerie... Enfin bref, il est temps de repartir, le soleil se couche et nous sommes encore loin d'Udaipur ! Trois bonnes heures de bus, toujours bondé, dans les collines du parc national de Kumbhalgarh, connu pour ses léopards, puis nous voilà enfin arrivés. Nous posons nos valises pour deux nuits dans la ville blanche, célèbre à travers le pays pour son aspect romantique, et où l'on vient donc souvent pour se marier. Que ce soit depuis le rooftop de notre guesthouse ou depuis les différentes collines environnantes, la vue sur le city palace, ancien fief des maharajahs, ou sur les palais flottants à la surface de cet immense lac artificiel, est splendide ! Allez, un petit tour au Jagdish temple, dédié à Vishnou, pour profiter de toute la ferveur d'une prière hindou, ces cloches, ces chants, ces offrandes, toutes ces couleurs et ces sourires...

Et hop, nous sommes samedi 6 janvier, c'est parti pour trois heures de bus vers l'immense fort de Chittorgarh. Petite anecdote, sur la banquette située juste derrière nous, se trouvait un policier et... son prisonnier, menotté aux poignets et lié par une chaîne à la ceinture du fonctionnaire. Allez, nous sommes au pied du fort, on laisse nos gros sacs à la consigne de la gare ferroviaire et on "embauche" un chauffeur de tuktuk. Celui-ci, jusqu'au coucher du soleil, sera notre guide à travers la gigantesque forteresse, qui concentre toute l'histoire Mewar, un petit royaume Rajpoute connu pour sa résistance face à l'envahisseur. Nous y verrons des palais, des temples, des tours, une végétation luxuriante, et des singes profitant, comme nous, d'un superbe coucher de soleil. Hop, on redescend vers la ville nouvelle, un bon repas près de la gare, on récupère les sacs, et on saute dans notre train express pour Bundi, où nous arriverons vers 23h. Ça paraît simple, mais rien n'est vraiment simple dans les transports en Inde... Dans le wagon, les gares en approche ne sont pas annoncées, et il n'y a aucun moyen évident de savoir où on se situe dans le grand espace qu'est le Rajasthan... Surtout, nos applications GPS ne sont fiables que lorsque nous sommes connectés à Internet, ce qui n'est pas le cas dans le train. La seule information en notre possession est que nous arrivons à 23h13, or les trains en Inde sont parfois en avance (si si, ça arrive !) et souvent en retard. Nous pourrions évidemment compter sur nos voisins de compartiment, mais il s'agit d'un train de nuit, à couchettes donc, et nos compagnons de wagon s'endorment peu a peu car eux sont en route vers Delhi et n'arriveront qu'à 7h le lendemain matin. Bref, fatigués par cette longue journée nous commençons à dormir d'un œil, on se met un réveil à 23h, moment à partir duquel on se tiendra prêt à bondir sur le quai au moindre indice nous permettant de déterminer que nous sommes bien arrivés dans la petite ville de Bundi. Et incroyable, les planètes sont alignées, à 23h13 presque tout pile notre train s'arrête quelques instants, on capte un signal GPS sur notre appli MAPSME, voici Bundi ! La sortie de gare est un régal, une dizaine de chauffeurs de tuktuk se jettent littéralement sur nous (y'a pas beaucoup de touristes à Bundi, encore moins après 23h...) et c'est donc le plus rapide d'entre eux sur 25 mètres départ arrêté qui remportera nos faveurs. Allez, en route pour l'auberge, une superbe haveli située au pied d'un fort (encore). Bundi est une petite bourgade pleine d'intérêt mais pas franchement située sur les circuits touristiques. D'ailleurs, et comme dans de nombreux autres endroits en Inde, les touristes sont moins nombreux depuis la période COVID. Les locaux s'en plaignent forcément, mais nous on s'en réjouit un peu... Outre son palais fortifié, Bundi est aussi célèbre pour ses nombreux puits à degrés, sortes de pyramides inversées, qui permettent d'avoir accès à l'eau en toute saison, quelque soit le niveau. Pour la plupart construits au 17ème siècle, ils sont souvent finement décorés et très esthétiques, en raison de leur géométrie symétrique. Mais Bundi c'est surtout une "ambiance village", on est très vite reconnus dans la vieille ville, dont l'entrée est marquée par une porte majestueuse. Les enfants nous saluent amicalement et démontrent fièrement leur niveau d'anglais. Les adultes nous sollicitent pour de belles photos de famille, et nous assiègent de questions concernant nos âges, nos professions, nos destinations, futures et passées. Toujours de très beaux moments de partage. Et le must, c'est lorsque le soleil retombe. La ville entière semble se retrouver sur les rooftop des maisons, et des centaines de cerfs-volants s'envolent dans le ciel oranger. Les enfants s'entraînent, la compétition annuelle aura lieu le 14 janvier... La nuit est désormais tombée sur Bundi, nous nous mettons en quête d'un bon dîner. Un petit restaurant, vide comme tous les autres, attire pourtant notre attention. Nous y avançons et le cuisinier, tout sourire, nous demande avant toute chose si nous avons peur des souris. Nous lui répondons que non (en Inde la présence de rongeurs à proximité des cuisines est gage de qualité !) et il nous montre alors presque fièrement et à l'aide de grands gestes où les souris seraient susceptibles de déambuler dans son minuscule restaurant. C'est typiquement ce genre de moments, inimaginables en France, que l'on aime vivre ici ! Et en plus on s'est régalés, deux petites soupes de tomates (les soirées sont fraîches) et un délicieux thali (riz, dhal, légumes, chapatis), le tout pour quelques euros. Et nous voilà donc dimanche 7 janvier, il est bientôt minuit, et Bundi, c'est presque fini, demain matin de bonne heure nous prendrons un bus pour Pushkar. Au programme, 5h de route vers le nord. Encore une belle aventure en perspective...