Ledar - Pheni : Une histoire de mise en jambes


On s’offre aujourd’hui une « presque grâce matinée » car l’étape sera courte ! Départ 8h30, cinq petits kilomètres au programme, pour un dénivelé positif de 300m. Rien de compliqué sur le papier, si ce n’est que l’on est désormais bien au dessus de 4000m et que rien n’est donc aussi simple qu’il n’y parait ! On arrive au Base Camp de Thorung-La (4540m) peu avant midi et on découvre un lodge parfaitement agréable (bon, sans électricité dans les chambres, pas de salle de bain, de toute façon l’eau est glacée, et les toilettes turques sont sur un lointain palier…). Tournée générale de Dal Bhat et de soupes à l’ail (car demain c’est le grand jour) avant de profiter d’un chaud soleil derrière les larges baies vitrées de la « dinning room ». On sait que ça ne durera pas, alors on savoure pleinement l’instant, avant de se lancer dans de grandes parties de belote. 18h30 sonne l’heure du dîner, jamais loin du poêle, car dehors les températures sont déjà largement négatives. On commande le petit déjeuner pour 5h, et on prend notre courage à deux mains pour sortir et rejoindre les chambres. Il est 20h, on file se coucher ! 


Phedi - Muktinath : Une histoire de faux départ


La nuit a été fraîche, preuve en est l’eau glacée dans la gourde au pied du lit… La nuit à même été blanche, pour moi qui ai le sommeil léger. Impossible de le trouver ! On jette un dernier coup d’œil sur le Lonely Planet, comme pour se rassurer. Bon c’est raté, on y apprend qu’en octobre 2014 d’importantes et soudaines chutes de neige avaient entraînées le secours de près de 500 personnes aux abords du Thorung-La, au sommet et dans les villages les plus proches des deux côtés. Le bilan final était de 43 morts, et la cause était la formation d’un orage dans la mer d’Arabie où dans le golfe du Bengale.

Allez, la météo est en ce moment tout à fait clémente, départ à 5h30 pétantes, comme prévu, après un rapide petit-déjeuner. Dès les premiers mètres nous sommes saisis par le froid, il fait -10 degrés, certains d’entre nous rangent les bâtons pour mettre les mains - pourtant couvertes par d’épais gants - au fond des poches des manteaux. La première étape, c’est le High Camp, 4800m, où certains trekkeurs courageux ont passé la nuit, prenant un peu d’avance sur l’étape du jour mais risquant un peu plus encore le mal des montagnes (et le froid) en dormant à cette altitude. Le soleil perce au loin, sur le Gangapurna autour duquel nous avons longtemps tourné et qui paraît si loin désormais. C’est magnifique, mais ça n’a pour le moment aucun effet ! Les doigts sont gelés, et pour ma part, peu avant le High Camp, la question de faire demi-tour se pose… J’ai aucun jus, aucun souffle, et parfois le cœur s’emballe sans raison. Un dernier essai, quelques petits pas, mais je préfère rester sage, je n’affronterai pas le Thorung-La Pass sans sommeil. Je redescends vers Phedi, pour regagner la chambre que j’avais quitté une heure et demi plus tôt. Il est 7h, je me couche tout habillé, avec manteau, gants et bonnet, et m’endort cette fois sans difficulté ! Je suis réveillé par le retour de Gabin, redescendu du High camp pour prendre quelques nouvelles. Baptiste et Romain ont quant à eux filé vers le col. Il est 8h, la petite sieste m’a fait le plus grand bien, et surtout le soleil commence à faire effet. Cette fois c’est peut être la bonne ! Le risque en partant à cette heure tardive est de rencontrer un peu plus de vent au sommet, on verra bien… On entame donc la première partie et la montée raide et ingrate vers le High Camp (mention spéciale pour Gabin qui l’aura réalisée deux fois dans la journée), à petits, voire très petits pas, le souffle court et surtout sans mouvement superficiel ! A 4800m le soleil donne un peu de baume au cœur et on se découvre des nombreuses couches que l’on avait enfilées, tout en se méfiant du vent glacial qui pourrait bientôt souffler. On progresse lentement mais sûrement vers Thorung-La Pass, à un rythme aussi régulier que possible, en rattrapant de petits groupes de trekkeurs partis avant nous. On partage la fine trace formée dans la neige et nous menant au sommet avec les convois de mules que l’on croise parfois. Le souffle est de plus en plus court, le col est censé être de moins en moins loin… La montée finale est interminable, le sommet est invisible, nous n’avons aucune idée de la colline enneigée derrière laquelle il se cache. Tant d’espoirs déchus… Et finalement le voilà, après un peu moins de trois heures d’efforts, et de questions du genre « qu’est qu’on est venu foutre ici ». Enfin le voila, et les nombreuses questions trouvent leurs réponses. Parce que nous somme seuls, face aux chörtens et aux centaines de drapeaux de prières, et que de ce lieu se dégagent beaucoup de choses. Il y a bien sûr le côté spirituel d’un col symbolisant toute l’influence boudhiste sur cette région et parfois emprunté par des trekkeurs en quête d’eux même, d’une certaine revanche, ou en pleine introspection. De notre côté, cela relevait surtout du défi, entraînant au sommet une grande dose de fierté d’accomplissement. Et puis avec Gabin, toute l’émotion de l’avoir réalisé entre cousins, et comme si nous étions désormais, grâce à cette « terrible » matinée, unis par autre chose que des liens familiaux. Alors on profite, on savoure à fond, on prend quelques photos, on lit et relit le panneau : Thorung-La Pass, 5416m. Voilà, c’est fait, et il faut maintenant se lancer dans une descente de 9km, qui nous emmènera vers la petite ville de Muktinath (alt. 3800m). Assez tôt dans cette descente abrupte, très technique, et surtout glissante, mêlant cailloux et neige fondue, nous rattrapons Baptiste et Romain, surpris mais satisfaits de nous voir déjà à leurs côtés. Nous marchons ensemble, en compagnie de deux autres français, Théo et Mathieu, rencontrés la veille à Phedi. Après quelques glissades, chutes, frayeurs en tous genre, nous voici arrivés, et nous nous dirigeons tous les six vers la bien nommée Bob Marley Guesthouse, où nous partagerons gratuitement un dortoir, à condition de prendre dîner et petit déjeuner sur place. On profite avec bonheur des douches (très) chaudes et si rares sur les circuits des Annapurnas, avant de d’empresser de commander à manger, et de savourer une bière népalaise au coin du feu. Les discussions vont bon train, le sujet principal étant évidemment cette folle étape, si forte en émotions. Allez il est 20h30, preuve que la journée a été longue et éprouvante, nous sommes déjà tous au lit ! Et nous rêverons sans doute de ce jour entre ascension et descente, entre enfer et paradis, entre l’envie de s’écrouler et celle de se dépasser, entre le froid glacial de la nuit passée et la chaleur du feu autour duquel nous venons de plaisanter. Ah, quelle riche journée !