Vendredi 16 : Détendus à Topslip pour une journée au poil.

Il y a des jours qui valent le coup d'être vécus dès 5h30 ! On saute dans le premier bus en direction de la réserve "anamalai", située à cheval entre le Tamil Nadu et le Kerala. Nous n'y verrons pas de tigre mais de bien beaux singes, des écureuils géants, de très nombreux cervidés et nous apercevrons même quelques éléphants... Fatigués mais sans regrets !


Samedi 17 : Dormir en trajet c'est gâcher.

Pollachi-Karaikudi c'est 225km, soit, en Inde et dans un bus qui prendra pourtant tous les risques, au moins 6h de route. Et 6h c'est bien assez pour se régaler. Florilège :


- Km30 : en gare de Palani nous serons abordés par deux eunuques. Relativement nombreux et très respectés ici, seuls 10% d'entre eux seraient réellement castrés. A noter, l'homosexualité est interdite en Inde. 

- Km70, autre gare routière : une femme, visage teint en jaune, sari sombre et trident de 20cm de long lui traversant la langue de bas en haut, pénètre dans le bus pour mendier. Nous ne défendrons pas vraiment son projet... En Inde difficile de savoir à qui donner. Car "l'hindou mendie, froidement, avec conviction, avec culot. Considérant cet emploi comme sa destinée" (Henri Michaux). Et c'est donc souvent notre conscience qui vient nous guider...

-Km100 : on ralentit, la voie est obstruée par un accident. Un grand classique, plus de peur que de mal visiblement.

- Km130 : le long de la route, il y a cet homme qui fait sa vie sans que la vie ne le laisse trop faire... Il avance, à quatre pattes, car semble, littéralement, avoir les genoux à l'envers. Autour de lui tous doivent se dire qu'il s'agit là d'une question de Karma. Lui aussi se le dira, et ainsi il avancera. Merci pour la leçon. 

- Km140 : quatre ou cinq villages se suivent et se ressemblent ; sur le bord de la route des femmes tissent de la corde en fibre de coco. Petites entreprises très, très artisanales ! 

- Km180: l'une de ces gares routières enivrantes, de la misère beaucoup, mais du bruit, des couleurs, des odeurs, et des sourires, surtout. 

- Km225 : Un dernier slalom, entre vaches et poulets à grands coups de klaxon... Nous sommes arrivés, et vraiment, dormir en trajet, c'est gâcher. 


Dimanche 18 : Des trésors en ville.

Nous sommes donc à Karaikudi, au cœur du Chettinad, micro-région du Tamil-Nadu. Ici à partir de 1850, vivaient les Chettiars, riches commerçants et financiers qui ont su profiter de l'expansion de l'empire britannique pour faire des affaires par voie maritime dans toute l'Asie du sud-est, en tant que négociants. En 1947, l'Inde obtient son indépendance, et leur business s'écroule donc rapidement. Les Chettiars partent vers les grandes villes (Bombay, Madurai...) laissant sur place près de 10 000 maisons-palais qui tomberont en décrépitude, seront parfois vendues en pièces détachées. Depuis quelques années, certaines sont restaurées, devenant des hôtels de luxe, des musées… Troublant, au cœur de la ville, ces superbes façades abandonnées, souvent masquées par des maisons plus récentes sans intérêt. Et que dire de ces boutiques d'antiquités qui vendent encore ce superbe patrimoine, souvent constitué d'objets d'art du monde entier.


Lundi 19 : Un tour en campagne.

Allez, entorse à notre budget et surtout à notre volonté de vivre local, aujourd'hui nous prendrons un taxi !

Ce sera le seul moyen d'atteindre des villages que les bus ne traversent pas. Au programme, aidés par notre chauffeur-guide : débusquer les plus beaux palais Chettiar qui peuplent les campagnes environnantes. Un appareil photo, une bouteille d'eau, et let's gooo !


Mardi 20 : On change d'horizon.

Départ de Karaikudi, trois heures de bus et un peu de tuktuk pour rejoindre notre guesthouse qui se trouve à Tiruchirappalli - que nous appellerons Trichy - et dans laquelle nous aurons une cuisine à disposition. Allez ce soir au menu ce sera pâtes à la sauce tomate, parce que ça nous manque trop !


Mercredi 21 : So french ! 

Les deux principales visites de la journée nous ramènerons un peu à la maison... D'abord l'église Notre Dame de Lourdes, et sa réplique grandeur (presque) nature de la célèbre grotte, symbole de la venue de Jésuites dans la région, puis un temple hindou perché sur le "Rock Fort", comme le fromage, oui oui, de quoi faire déprimer Sam, à qui ça manque (presque) cruellement. 


Jeudi 22 : Sainte journée...

Levés de bonne heure pour observer, de loin, les bains purificateurs dans la rivière sacrée. Sur place nous nous délecterons de tous les rituels, notamment liés au feu, opérés par les prêtres. Ces derniers appartiennent tous à la plus haute caste de la société indienne, celle des brahmanes, reconnaissables au fin cordon que les hommes portent à même le corps, de l'épaule à la hanche.

Les brahmanes, bien qu'appartenant à la caste "élite", ne sont pourtant pas tous instruits, et n'occupent pas tous de hautes fonctions. Alors pourquoi sont-ils toujours aussi favorisés, toujours en haut de l'échiquier ? Et bien parce que l'hindouisme mélange allègrement le profane et le sacré, et qu'un brahmane qui ne réussit pas dans les affaires pourra toujours être un prêtre gâté par les fidèles (ou les curieux). Ainsi nous nous sommes fait bénir ce matin, comme nous le faisons de temps en temps. C'est amusant et ça nous éclaire un peu sur les pratiques hindoues. Et comme tout le monde, en échange de cette bénédiction - quelques mots et deux points sur le front - nous laisserons un petit billet. 

Dans le même esprit, une autre scène, hallucinante : lors de la visite d'un temple ce matin, des dizaines de personnes trient sous nos yeux mais aussi sous les yeux de nombreux mendiants, des "intouchables", d'immenses piles de billets. Probablement des centaines de milliers de roupies. Devant notre stupéfaction une femme nous dira simplement qu'il s'agit de l'argent de Dieu. Pas faux. Enfin voyons les choses autrement : dans ce temple comme dans beaucoup d'autres, il y a différents petits lieux de culte. Certains sont gardés par des prêtres, brahmanes donc, qui reçoivent directement les "offrandes" des fidèles. Ailleurs, on retrouve de grandes urnes, dans lesquelles sont glissées les billets. Et apparemment l'hindou, connu pour être très superstitieux, lorsqu'il souhaite que ses vœux se réalisent, il sait se montrer généreux ! Toujours est-il que régulièrement cet argent est trié, reparti en petits paquets, à destination de... je vous le donne en mille... oui encore eux !


Et on vous passe les scènes de distributeurs automatiques de billets au milieu des temples, ou les petites épiceries, entre deux divinités... Enfin cela n'enlève à nos yeux absolument rien de la valeur des croyances qui constituent le fond de ces actes, mais cette propension à mélanger le profane et le sacré, on ne peut que s'en étonner. Et puis cela en dit tellement long sur les fondements même de la société indienne, sur ce système de caste plus que séculaire, et tellement bien ancré, intériorisé, accepté. Les intouchables, souvent des mendiants "condamnés", observerons encore pendant bien des années et avec fatalité les brahmanes jongler avec les billets... 


Vendredi 23 : Sur de bons rails...

Allez un peu de train, ça nous manquait. Direction Thanjavur, son temple et son palais. Départ à 10h, arrivée prévue 45 minutes plus tard. Bon en réalité nous mettrons une heure de plus, sans pour autant que l'on soit dérangés. Car le train en Inde c'est une ballade ; de nombreux arrêts et une vitesse de pointe qui n'en est pas une. Les portes restent ouvertes, et on y penche la tête pour se régaler. Les paysages, les villages, leurs habitants... L'ambiance à bord, etc... Et en plus on se fait offrir des cacahuètes !

Allez on arrive, un peu de tuktuk, on pose les sacs dans un hôtel vieillot mais bon marché et on part à l'assaut de la ville !